larme, sang de l'âme (libre)

Tu avais toujours apprécié les longues balades solitaires. Si Eline t’accompagnait régulièrement en ce moment, ce n’allait pas être régulier et tu allais retrouver ton calme habituel. Cela ne te dérangeait pas d’être seul, tu l’avais toujours été depuis ta tendre enfance. Tes parents qui te considéraient différemment, qui t’envoyaient passer des journées chez des psychologues en tout genre. Tu n’avais jamais eu de diagnostic important. Les médecins disaient juste qu’il fallait accepter ton caractère. De nature timide et introverti, rien à signaler pour autant. Mais pour tes parents rois du business, tu devais te montrer sociable, assuré. Une feuille qui tombait sur tes pieds. Tu baissais le regard. Tu voyais quelques traits dessinés. Un regard perplexe et te voilà en train de ramasser le bout coloré. Des pleurs. Un coup de crayon trop fort pour ne pas signaler une tristesse. Le dessin n’était pas une description, c’était un appel à la douleur. Tes instincts de dessinateur parlaient davantage. Tu connaissais tes réactions lorsque tu dessinais, et celle-ci correspondait à tes moments les plus profonds. Un regard levé. Des cheveux blonds dans le vent. Que tu dois socialiser, disaient tes parents. « Je pense tu devrais utiliser un autre type de crayon ». Tu t’approchais de la personne, lui rendant son travail. « Si tu continues avec celui-ci, tu vas continuer d’enfoncer ta mine – tu mettais accroupis afin que l’inconnu suive avec ton doigt ce que tu essayais de lui faire comprendre – tu vas perdre l’essence même de ce que tu veux transmettre. C’est-à-dire l’énergie, à travers les tons ». Tu t’assoyais finalement, non loin de lui. « C’est pas évident de dessiner dans ces jours-là ». Tu lisais déjà en lui. Ce n’était pas un livre ouvert. Il était juste ton reflet.

Tu voyais bien que l’inconnu n’était pas réceptif. En même temps, tu cherchais à être sociable avec quelqu’un qui était dévasté. Il te balançait qu’il avait perdu ses parents. Ta bouche commençait à s’ouvrir afin de dire quelconque chose, mais rien ne sortit. Il n’y avait pas grand-chose à dire, en même temps. Alors tu soupirais, haussais les épaules, balançais un regard triste. Tu étais désolé pour le mec. Mais pas pour tes propos. Fallait bien que quelqu’un lui dise, qu’il le sache tôt ou tard. L’inconnu devait changer de mine. « Je… Je dessine juste, pour le plaisir », que tu répondais. Tu n’avais jamais pris de cours, quelques livres pédagogiques parfois, mais ça avait été suffisant. Tu n’étais pas comme ta sœur qui en était passionnée, pas comme elle. Romane avait ce talent artistique, cette fibre qui se complétait d’une technique irréprochable. Ses conseils avaient toujours été pertinents te permettant d’avoir un niveau plus que stable dans ce domaine. « Je suis en étude de commerce en réalité ». Tu ricanais. Ça sonnait faux. On voyait bien que tu n’y croyais pas. Le pauvre Adan qui se dirigeait vers des études de marketing, d’économie et de statistiques. Tu suivais les traces de ton père, de ton frère. Futur PDG qui n’en avait pas la carrure. Un autre souffle. « Toi, c’est ce que tu fais tout le temps ? » tu lui demandais en te dirigeant vers la place où il était installé quelques minutes plus tôt. C’était tout prêt de quelques poissons passant dans la rivière, tout près d’un coin calme, loin des autres étudiants venus avec des boissons alcoolisées pour se détendre. « On est bien ici », que tu continuais de parler. Tu te disais qu’il fallait que tu te la fermes, que tu parlais vraiment pour rien dire. Mais tout ce que tu trouvais à faire, c’était lui répondre par un sourire. Bien trop niais.