under the moon. (freddy)

Il ne comprend pas. Assis sur son lit, seul endroit où il sait qu’il aura la paix parce que, aussi plaisant que cela soit-il, Brown est un microcosme toujours en pleine ébullition, une véritable fourmilière d’humains qui se ressemblent tous plus qu’ils ne peuvent l’admettre à eux-mêmes, Freddy s’arrache les cheveux. Cela aurait pu rester qu’au sens métaphorique s’il n’avait pas véritablement les mains dans ses cheveux, les ébouriffant encore plus qu’ils ne sont déjà en bataille, alors que ses prunelles sont immobiles devant lui, fixant un point imaginaire et le regard au loin. Il ne comprend pas. Il ne comprend décidément pas. Il a beau essayer d’interpréter la révélation que l’on vient de lui faire par inadvertance, cela n’a réellement aucun sens. Si son cerveau ne cesse jamais, mille pensées à la fois qui s’entrechoquent dans un chaos le plus total dans un esprit déjà peu sain, il sait qu’il va devoir agir vite, parce que cela n’arrêtera pas de le hanter. Les réflexions intensives oui, mais le cubain se caractérise plus comme un homme d’action. Peut-être parce qu’il a la chaleur hispanique qui coule dans ses veines. Peu importe. Peu importe aussi l’heure alors qu’il chope son téléphone et son casque avant de sortir de sa chambre d’un pas déterminé. Ces mêmes pas qui le mènent rapidement vers cet endroit qui lui enserre le cœur avant même qu’il ne se laisse le temps de réfléchir plus et de douter de son comportement. Non, ce n’est pas lui qui est fautif. Il est dans son bon droit. Il ne sait pas à quoi il joue – parce que cela ne peut-être que cela, n’est-ce pas ? –, toutefois il ne se laissera pas manipuler comme un vulgaire pantin, seulement parce qu’un artiste excentrique a des pulsions égoïstes qu’il ne comprend pas.

L’opéra apparaît dans son champ de vision plus vite qu’il ne l’aurait peut-être voulu, et, comme à chaque fois, il se laisse émerveiller par la beauté et la prestance du bâtiment. Le cœur qui s’emballe comme s’il pouvait réellement entendre des notes mélodieuses de musique s’échapper de la bâtisse, pourtant inanimée à cette heure-ci, ses pieds ne ralentissent pourtant pas de rythme alors qu’il monte les marches deux à deux sans regarder derrière lui, ou même autour de lui, presque prêt à défoncer l’énorme porte d’entrée pour se faire entendre. Bien qu’il sache pertinemment que jamais il ne fera le poids face à la force de l’architecture. Ce n’est que lorsqu’il est véritablement au pied du mur qu’il sent une présence dans son entourage, et qu’il tourne la tête brusquement vers le son de la voix. Tellement violemment qu’il se craque quelques cervicales. Sauf qu’il n’en a rien à foutre, parce que l’homme qu’il est venu voir se trouve juste devant lui. Tant mieux. C’est quoi ton problème ? Vouvoiement oublié sous l’effet de la colère, si le musicien au talent indéniable veut savoir la raison de sa venue sur son territoire, il se fait un malin plaisir à rentrer dans le vif du sujet. Il ne relève pas la taquinerie. Évidemment qu’il est deux fois plus jeune que lui, mais ils savent aussi tous les deux très bien qu’il est assez grand pour prendre ses propres décisions et faire ses propres conneries.

Alors qu’il se retrouve face à lui, il se dit qu’il est encore tout aussi perturbé. Il pensait, à tort, que lorsqu’il verrait véritablement Vice, il saurait que penser de toute cette affaire saugrenue. Mais pas du tout. Je peux savoir de quel droit tu oses te mêler de ma vie ? Il ne sait pas s’il hurle ou s’il chuchote, il a simplement le sang qui bat jusque dans ses tympans d’un bruit presque assourdissant. Sa mâchoire se contracte en même temps que son poing droit, et il hésite une demie seconde à lui envoyer son poing dans la trogne. Plus tard, s’il joue encore au con. Cela n’a pas de sens qu’il essaie de s’interposer entre Eline et lui. Parce que déjà cela ne le regarde pas, et parce que tout est fini entre la jumelle Rogers-Morris et lui. Tu sais quoi, je ne veux même savoir. J’veux seulement que t’arrêtes et que tu m’laisses tranquille. No te equivoque conmigo. Il est dérouté, parce qu’il appréciait les moments passés avec cet artiste qu’il admire énormément plus qu’il ne l’a jamais admis à haute voix. Qu’il s’est laissé charmer, hypnotiser, et que maintenant tout est remis en question.