Le bruit des glaçons (Lolita)

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Le bruit des glaçons

Le vendredi après-midi était l'occasion pour Miranda d'aller prendre son verre solitaire de la semaine au pub local. Elle détestait le côté pittoresque, faussement artisanale du lieu, mais elle détestait encore plus leur alcool qui avait un goût horrible face aux cocktails de l'Upper East Side.
Après ses cours, Mira s'était alanguie sous le soleil du printemps après être passée chercher Harvard chez elle. Le chien noir au bout de la laisse, elle buvait à petite gorgée son verre en vidant son paquet de Lucky Strike, le regard perdu sur les passants.

Elle observait longuement, l'air ailleurs, les gens qui passaient face à la terrasse. Paisiblement cachée derrière une paire de lunettes de soleil onéreuses, ses yeux vagabondaient le long des visages, des corps, des fesses galbées ou des ventres flasques. Son regard posa finalement l'ancre sur une blonde qu'elle connaissait de vue.
Enfin... « de vue ». Elle connaissait son nom, tout le monde connaît le nom des Osborn. Une petite blonde aux airs de garces, aux allures de prétentieuse, une tête de bambin avec un sourire provocant.

Miranda avait entendu dire que Lolita était ce genre de fille capable de ruiner une réputation – autant dire une vie, pour les plus faibles - En claquant des doigts. Cette idée fit sourire Mira qui se ralluma une cigarette avant de relever ses lunettes sur le haut de son crâne. Elle posa à nouveau son regard, fixement, sur Lolita, juste pour voir sa réaction.
Miranda la trouvait jolie, bien entendu, mais il n'était pas question de sentiments. Juste de défi, de curiosité... Ce genre de fille, probablement hétéro pure souche, était un jeu terriblement plaisant aux yeux de Miranda.

lumos maxima

// le bruit des glaçons ※※※ Vendredi, fin de semaine, les polycop’ s’envolent, les mac se ferment brutalement, les discours des professeurs ne connaîtront jamais de dénouements, les portes claquent et le week end vient séduire les étudiants avec son aura chaleureuse et ses néons séduisants. Mais la soirée était encore loin et la douceur de l’après-midi s’installait à peine. Oh, la petite Lolita qui vagabonde dans les rues de Providence en est bien consciente. Le mois de mai pointe à peine le bout de son nez et pourtant, les bras sont déjà découverts et les cuisses ont perdu leurs tissus. Lolita, elle n’a jamais eu froid, ni aux yeux, ni aux fesses, au plus grand malheur de son grand frère César. Portable en main, elle jette un dernier coup d’oeil sur l’actualité de Brown. Que s’est-il passé quand elle avait le dos tourné ? Allons, jamais rien de bien intéressant puisqu’elle est maîtresse de tout ce petit monde. Miss-Toujours-Pucelle a fait son premier blowjob a vingt-quatre ans. Mister-Puceau-De-Bas-Étage n’est plus puceau depuis qu’il a sauté Miss-Cougar-Bon-Marché. Des couples qui se forment, se déforment et se reforment. Rien de bien nouveau sous le soleil. Petit coup d’oeil sur l’heure, elle a largement le temps de prendre un rafraîchissement. Première terrasse, première table, pas de temps à perdre, Miss Osborn commande un simple thé glacé. Evidemment, photo oblige, alors qu’elle publie son petit plaisir sur la toile, Lolita sent un regard insistant sur elle. Elle avait l’habitude qu’on la fixe, c’est pourquoi elle ne réagit pas tout de suite. Et finalement, elle relève la tête pour croiser le regard de la demoiselle. Miranda Harvey. Un nom parmi tant d’autre. Fille discrète, elle faisait partie de cette catégorie d’étudiants qui résidaient en dehors du campus. Il paraîtrait qu’elle était ce genre de fille. Le genre que Lolita ne pouvait absolument pas revendiquer. C’était absurde, après tout. Elle n’avait rien à voir avec elle. Et pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de soutenir son regard, avec ce même air condescendant, ce petit rictus au bout des lèvres. Lolita, elle aimait un peu trop jouer. Elle se croyait invincible, après tout. Princesse qui joue avec le feu du dragon ne s’attendra pas à se couper avec ses écailles.

(a) blue moon
@Miranda Harvey

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D'aussi loin qu'elle se souvienne, Miranda a toujours aimé les femmes mais n'en a jamais pourtant jamais réellement aimé une. Pas besoin d'aimer ou même d'apprécier pour prendre un peu de plaisir. Un petit sursaut de vie avant cette petite mort qu'est le sommeil, ou pire, le quotidien.

Miranda observa Lolita commander son thé glacé et machinalement le photographier pour alimenter ses réseaux sociaux. Elle tenta de deviner, presque sans s'en rendre compte, d'où pouvait venir cet espèce de narcissisme qui semblait animer la jeune Osborn. Qu'on se le dise, la physicienne aux cheveux bicolores aimait ces femmes prétentieuses, imbue d'elles-même et pourtant, dans le fond, terriblement fragiles.

Aussi discrète soit-elle, Miranda n'avait jamais peur d'aborder quelqu'un, de lui parler, de le séduire si elle pouvait, elle n'aimait pas toujours ça, mais elle n'avait pas peur. C'était surtout aux autres de se méfier.
Oui, Miranda était discrète, mais elle savait aussi se faire remarquer si elle le voulait. Et à ce moment précis, elle se ferait remarquer. C'était désormais son idée fixe, presque le but de sa vie le temps d'une demie-heure. Elle observa le regard de petite princesse prétentieuse et condescendant de la cadette Osborn et repensa à sa première conquête féminine qui la comparait à un guépard. Pourquoi ? Miranda ne s'était jamais posée la question mais à cet instant précis, elle se sentait comme tel.

Elle se ralluma une cigarette et un sourire lui fendit le visage tandis qu'elle brava ce regard faussement méprisant.

- C'est triste, ce sourire.

Elle tira une nouvelle bouffée de tabac et ajusta ses lunettes en marquant une pause.

- Il n'y a que tes lèvres qui sourient, pas le reste de ton visage.

lumos maxima

// le bruit des glaçons ※※※ Tout le monde savait que Lolita sortait avec Monsieur-Sportif-Arrogant. Ou était-ce avec Monsieur-Joli-Sourire-En-Plastique ? Peu importe, les gens pouvaient bien croire ce qu’ils voulaient tant qu’elle contrôlait ce flot de rumeurs qu’ils avalaient en si grosse quantité. Personne n’avait à savoir qu’elle n’aimait pas forcément mettre sa langue dans la bouche d’un garçon. Personne n’avait à savoir qu’elle préférait la douceur des lèvres féminines. Plus qu’un simple secret, c’était une honte. Pourquoi ? Elle-même avait du mal à l’expliquer. Elle qui vivait baignée dans la lumière des regards, elle qui n’avait peur d’aucun jugement, était tout simplement incapable de s’assumer telle qu’elle était vraiment. Comme s’il y avait cette barrière qui la maintenait prisonnière. Sans compter qu’elle était une Osborn. Une Osborn n’avait pas le droit de s’afficher de la sorte, après tout. Qu’en penserait la jeunesse dorée de Providence ? Elle ne voulait même pas l’imaginer, ce serait une catastrophe. Alors elle faisait toujours attention à tout. Aux regards qui pourraient se poser sur elle si ses yeux s’attardaient trop sur une demoiselle. Aux commentaires qu’elle pouvait faire sur une jolie jeune fille. Aux gestes qu’elle aurait envie de faire. Bien heureusement, pour le moment, elle était seule, et cette fille n’était pas si connue que ça, sur le campus. Quoi que. Les gens ne se feraient-ils pas des idées s’il voyait Miss Osborn discuter avec une Lesbienne aux cheveux rouges ? Des tas de choses, probablement. Lolita croise les jambes en prenant une gorgée de son thé. Un ricanement franchit la barrière de ses lèvres. “Ah bon ? Et qu’est-ce qu’il dit, le reste de mon visage ?”. Elle la regarde, avec ses yeux perçants et ce sourire suffisant. Les glaçons tintent dans son verre. Le regard que lui lançait Miranda lui plaisait. Elle aimait être la cible de toutes les attentions, qu’on la regarde comme un prédateur regarde sa proie. Elle était comme cette biche que le chasseur avait dans sa ligne de tir et qui se glissait entre les feuillages sans jamais se faire toucher. Mais Lolita avait beau se cacher, la curiosité gagnait du terrain, un peu plus à chaque battement de cils.

(a) blue moon
@Miranda Harvey

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Miranda le voyait au fond des yeux de Lolita, elle se cachait derrière sa suffisance, son image de petite pouf' prétentieuse et imbue d'elle-même. Dans le fond, la fille aux cheveux rouges n'était pas sûre de vouloir explorer ce qui se cachait derrière les apparences. Elle observait vaguement le visage de l'autre, elle était jolie, peut-être pas la plus belle des sœurs Osborn, mais canon, comme toutes les Osborn.
Elle l'avait croisée plusieurs fois avec le meuble qui lui servait de petit ami, semblable à mille autre meubles, probablement livré en kit et monté pour quinze dollars de supplément. Cette pensée fit sourire Miranda.

Sa crinière rouge avait parfois trahi son homosexualité, sans que Miranda sache vraiment pourquoi. Elle ne s'était jamais cachée, elle aimait les femmes et si ça déplaisait à quelqu'un, elle savait choisir les mots qui blesserait suffisamment pour qu'on lui foute la paix. Même si elle ne parlait pas beaucoup, elle maîtrisait le mot, la rhétorique, et sa langue bien pendue était tant une force qu'une faiblesse.

Lolita devait savoir que Mira était ouvertement lesbienne et, à cet instant, ouvertement attirée par elle. Miranda se dit que, hétéro ou non, Lolita était au moins surprise, voire réceptive au regard porté sur elle. Un regard ouvertement sexualisant, presque caricatural. Au beau milieu de la rue, Lolita n'oserait jamais exprimer le moindre trouble. L'apparence devait être inscrite au cœur du code génétique des Osborn. Qu'est-ce qui était le plus divertissant, draguer la petite blonde ou tester sa résistance à la pression sociale ? Miranda ne savait pas le dire, mais qu'importe comment finirait cette entrevue, elle s'amusait déjà beaucoup.

- Il dit que tu as peur.

Miranda sourit en étirant largement ses lèvres rouges.

- Pas de moi, tu n'as peur de personne, bien sûr.

La rouge avala les dernières gouttes de son verre en faisant glisser les glaçons jusque ses lèvres.

- Soit tu as peur de l'Autre, avec un grand A, de son regard... Soit tu as peur de toi-même. Tu as beau faire ton regard de jeune femme condescendante, tu es terrifiée.

Sur ces mots, Miranda se releva et ajusta sa chemise négligemment déboutonné sur un débardeur blanc, entra dans le pub pour recommander un verre. Elle savait que Lolita serait toujours là lorsqu'elle reviendrait, et si finalement elle se trompait, elle trouverait bien quelqu'un d'autre pour égayer son après-midi.

lumos maxima

// le bruit des glaçons ※※※ Lolita n’avait que dix-huit et pourtant, elle avait cette attitude, ce regard qui la rendait bien plus mûre. Sa confiance en elle se ressentait bien, les gens n’avaient plus le réflexe de lui demander sa carte d’identité, de lui faire des remarques à ce sujet. Elle était encore jeune et elle savait pertinemment que la fraîcheur de cette jeunesse n’était qu’à ses débuts, qu’année après année, elle ne ferait qu’embellir un peu plus pour dépasser ses soeurs. Ce n’était qu’une question de patience. Et Lolita savait que le pouvoir restait plus longtemps entre les mains quand il était durement acquis. La rouge essaie de la déchiffrer et, sur certains points, elle n’avait pas tord. Après tout, la blonde était la mieux placée pour savoir à quelle point la réputation était comme une boule de cristal. Plus le verre était vin et éclatant, plus il se cassait rapidement, semant derrière lui des coupures douloureuses et profondes. Miss Osborn en prenait soin, comme d’un trésor, ne se gênant par pour jeter ceux des autres au sol, sans pitié. Car une fois brisée, plus personne ne fait la différence entre les biblos. Elle savait que si elle devait tomber, elle entraînerait le monde avec elle. Hors de question de quitter son trône de glace sans mettre le feu au Royaume. “Peur, hein ?” Dit-elle, en haussant un sourcil, le demi-sourire toujours présent sur ses lèvres. Elle passa une main dans sa chevelure blonde pour la remettre en place, plongée dans un silence curieux alors que la rouge s’éloignait. A son retour, la petite Osborn avait disparu de sa place pour finalement se poser à la table de Miranda. Elle était donc assise sur la chaise libre, à côté de la sienne, caressant affectueusement le chien noir de la demoiselle. Quand bien même Lolita avait l’air inaccessible, elle avait un amour inconditionnel pour les chiens. Ces braves bêtes n’avaient pas à se soucier de la réputation, du regard des autres. Ils étaient libres, après tout. L’insouciance animale l’avait toujours fasciné. Alors que Miranda revient à sa place, Lolita repose son regard sur elle avec un nouveau rictus. “Alors ? Il y a d’autres choses que tu lis sur mon visage ?”. Oh oui, Lolita était curieuse, pour sûre. Pour elle, les apparences étaient toujours trompeuses et le plus intéressant était de creuser le plus possible pour trouver la pépite qui changerait complètement la donne. Pour le moment, elle laissait à Miranda le loisir de l’admirer et de l’analyser. De toutes les manières, il lui faudrait bien plus qu’un joli minois pour cerner Lolita Osborn.

(a) blue moon
@Miranda Harvey