Bombs are comin' in cereal packages {Oxélia}

Les choses qui brillent ne t’ont jamais vraiment intéressé. Les couleurs captaient parfois ton attention mais c’était rarement plus longtemps qu’une fraction de seconde. T’avais besoin de profondeur, t’avais besoin de temps que ton regard s'ancre bien dans l’objet, qu’il s’en imprègne. Et les choses jolies mais vides à l’intérieur, ça t’intéressait pas. Bien sûre, les faux-semblants, les filles qui se cachaient derrière leurs masques de paillettes, les gars derrière leurs muscles en carton, ça existait, t’étais au courant. Mais chasser le naturel, il revient au galop. T’avais simplement des gens qui pouvaient pas se cacher indéfiniment. Et tu savais vraiment pas où foutre Miss Osborn dans ce merdier. Puis de toutes façons, tu t’en foutais alors ça réglait le problème. En parlant d’Ophélia, elle te laisse pas un instant de répis et te tire vers le boulot. Tu retiens un soupire. T’avais déjà assez faim comme ça. Tu t’remettais à penser aux dîners de famille que tu passais au resto’ avec tes parents et Sun. Ton père commandait toujours du vin rouge, ta mère préférait le blanc. Papa Park regardait sa montre nerveusement, toujours impatient. Maman Park te regardait avec un petit sourire au coin, un coup toi, un coup Sun, elle finissait toujours par dire à quel point elle se sentait vieille quand elle vous voyait grandir aussi vite. Des discussions un peu inutiles, parfois des interventions du paternel pour te rappeler à quel point t’étais un bon à rien. Puis les plats arrivaient enfin et c’était le silence complet. On entendait que les tintements de couverts et les bruits de mastications du chef de famille. Y’avait des jours où Sun partageait son dessert avec toi puis l’addition était rapidement payée, accompagnée d’un maigre pourboire. Le restaurant français, ça te rappelait un peu cette ambiance austère que tu fuyais pour te consoler dans la nourriture. Ouais, quand ça parle de bouffe, ça te parle déjà un peu plus. Tu croises les bras. “J’aime bien la blanquette de veau. La quiche lorraine, c’est bien, non ?”. Tu t’souvenais des plats préférés des gens mais pas de leurs prénoms, c’était un peu problématique en soit. “Il nous faut un truc sucré. Comme l’éclair au chocolat.”. Tu laisses échapper un sourire. Ouais, cette info’ était rentré dans ton petit crâne, c’était pas mal. Puis franchement, l’éclair au chocolat, c’était putain de bon, aussi. Tu t’grattes la nuque, vite fait, puis tu t’assoies en tailleur sur ta chaise. “Y’a quoi comme plats pas très connus … ?”. C’est pas que tu les connaissais tous, bien au contraire. Mais bon, tant qu’on évitait les clichés du styles escargots et cuisses de grenouilles, tout était bon à prendre. Tiens, Ox, t’as remarqué ? Quand il s’agit de bouffe, d’un coup, on est plus intéressé, hein ? Quel ventre sur patte, cet enfant.

C’est bizarre mais quand Ophélia te parle de bouffe, d’un coup, t’es bien plus concentré sur elle. Comme si elle existait vraiment. C’est peut être parce qu’elle est moins agressive et qu’elle parle un langage que t’as plus de facilité à comprendre mais ouais, t’es carrément dedans. Puis, étrangement, les filles qui te parlent de nourriture, ça t’exciterait presque. Bon, quand même pas mais faut dire qu’une nana qui a pas peur de se péter le bide avec toi, tu trouves ça sexy, t’aimes bien. Après, c’est clair que Miss Osborn, elle a plutôt l’air de grignoter sa salade à midi et zapper le dîner. “J’ai peur de grossir” qu’elles disent. Toi, les meufs rondes, maigres, avec des formes là où il faut ou là où il faut pas, dans tous les cas, tu t’en battais les couilles. Tu comprenais pas cette obsession que certaines avaient avec leurs poids. Au delà d’un simple soucis de santé, y’en a qui se faisaient violence juste pour avoir le corps placardé sur les panneaux publicitaires crado’ d’un sex-shop dégueu’. Le pire, c’était ces meufs qui te giflaient quand tu savais pas quoi répondre à “Est-ce que tu trouves que j’ai grossi ?”. Tu remarquais pas ces trucs, t’en avais rien à battre et franchement, c’était quoi cette putain de question piège ? Dans tous les cas, la meuf finissait par te crier dessus, soit parce que tu remarquais rien, soit parce que, justement, c’était si flagrant que t’avais remarqué. Attention, Ox, tu t’égares, mais le Paris-Brest te ramène sur Terre. Oh, ouais, le Paris-Brest. Tu esquisse un nouveau sourire. “Ouais, les crêpes, c’est français. T’as déjà mangé des crêpes en France ? En Corée, on en fait de très bonnes aussi mais j’ai l’impression que là-bas, c’est beaucoup plus simple, j’sais pas.”. Fallait dire que tu partais pas souvent à Séoul, vu que la relation qu’entretenaient ton père et tes grands-parents. Mais, d’un autre côté, t’étais jamais allé en France alors tu parlais que de ce que tu connaissais. “Est-ce que ça suffit où on devrait mettre aussi des boissons. Est-ce que si on ramène du cidre, on va se faire pénaliser ? C’est pas très alcoolisé et c’est pour un exposé.”. T’étais pas très alcool, qui plus est. Ca te faisait pas beaucoup d’effet, t’aimais bien le goût mais fallait vraiment que tu consommes beaucoup pour être un peu pompette. Tu préférais largement un p’tit joint, t’étais direct détendu et beaucoup plus ouvert à la discussion. Mais sinon, un bon petit verre de cidre avec une bonne crêpe ou un Paris-Brest, oh bordel, c’était le pied. Et alors que tu regardes Ophélia, imaginant le buffet, c’est ton estomac qui fait vibrer la table, te signalant qu’il a clairement besoin d’être nourri. Tu passes une main sur ton abdomen. “Hum. Ça te tente qu’on aille s’faire une dégustation ? Au moins, on saura quoi choisir, comme ça.”. Fais le malin, cache toi derrière l’exposé. Tu ranges ton bouquin dans ton sac avant de reposer tes yeux sur la blonde. “Sauf si t’as autre chose de prévu ?”. Tu la regardes dans les yeux. On pourrait presque croire que tu l’invites à un date mais t’es bien trop con pour ça.