(Jule) La vérité est parfois dure à entendre

Qu'est-ce qui se passe ? Ah oui, je suis dans mon lit. Les yeux fermés, l'ordinateur déployant de la musique dans le chambre, je m'enivre du son qui bat mes oreilles. Je fais rien de la journée. Je commence tard, ce soir. Je livre des pizzas sur un scooter pour ceux qui ne le savent pas. Ce métier, je ne l'ai pas choisi. J'ai fait des entretiens et j'ai été pris dans cette pizzeria. Je n'ai pu refuser. Il nous faut de l'argent. Je me bats depuis que je suis parti du domicile. Depuis même ma naissance. Chose que je n'ai guère désirer. Terminer dans un tel monde et débuter une vie foireuse ? Non merci. Je m'en serai passée. Mais le destin en a voulu autrement pour mon cas désespéré.

Me voilà, sur mon lit. Je n'ai pas bougé. Songeur pendant que Spotify passe ma playlist préféré. Twenty One Pilots. Un groupe. Terrible à mes yeux. Puis un instant me prend de regarder mon téléphone que j'avais mis en silencieux pour ne pas être dérangé. Je vois le message de Jez. Je lui réponds « Dacodac babe, j'arrive de suite ! »

Avec ma sœur, on a une relation assez proche. Donc ne soyez pas étonnés si on se donne des surnoms comme un petit couple. Je me redresse enfin. L'ordinateur portable est proche. Je quitte l'application, le ferme et me lève. Je me regarde au miroir. J'étais en jogging et sweat-shirt. Tant pis, la flemme de me changer. J'y vais comme ça.

Je sors la bicyclette car c'est trop moderne d'être en vélo de nos jours et me dirige vers le centre commercial. Je rejoins donc Jez au café. Les regards égarés sur moi, je m'en balance. Pour moi, ce sont des coups d'oeil insignifiants, sans intérêt. J'arrive enfin au petit café du centre commercial. J'aperçois Jez, je lui fais directement un signe en levant la main que tout le monde aurait pu l'interpréter pour eux mais personne ne me regardent. Tant mieux.

« Tu fais quoi, t'es pas en cours ? » J'ignore le jour qu'on est et c'est vrai que j'aurai pu lui demander comment ça va avec un salut, mais on est trop familiers pour ces banalités. Je m'assoie donc face à elle, comme un collégien, affalé sur la chaise à attendre que le cours passe. Mais moi je suis vraiment concentré sur Jez qui a un air bizarre. Un lien nous unit et je ressens quand les choses vont pas. Par contre je lui réponds quand même à ses questions : « Non c'est bon pour le café, merci. C'est toi qui dois me dire si ça va ou pas. T'as une drôle de tête. » Je l'épie du regard. « J'aime pas ça ! »

Tu as peur, tellement peur. Cela commence à se voir sur ton visage. Tu es plus toi-même le sourire moins sincère alors que tu es miss sourire, tu souris à tout le monde tout le temps malgré ton enfance de merde. Les yeux fuyant le regard des autres. Punaise, tu es dans une merde noire gamine. Ton frère arrive enfin, il s'installe et tu souris. Oui ton frère, c'est l'homme de ta vie, c'est toi et lui contre le reste du monde. Toi et lui contre vos parents, toi et lui contre la justice et vous êtes toujours ensemble. Punaise, tu l'aimes ton frère et avec cette nouvelle, tu as peur de tout briser. Avec seulement quelques mots, une phrase, tu risques de tout foutre en l'air et de plus jamais revoir ton frère. Tu portes le café doucement à ta bouche, la chaleur de celui-ci te réchauffant la gorge et te permets de gagner quelques secondes "J'ai jamais cours le lundi matin, tu le sais non !". Premier mensonge, mais ton frère ne retient pas tes cours et tes journées sans rien. Alors tu peux facilement lui mentir sur ce point la, même si tu aimes lui mentir. Doucement, tu reposes la tasse avant de soupirer un bon coup. "Je ne sais pas vraiment te le dire, enfin c'est difficile de trouver les bons mots". Tu bouges sur ta chaise montrant ton mal-être du moment, mon dieu que tu aimerais devenir une petite souris pour t'enfuir rapidement , avant même de lui annoncer la nouvelle "Tu es sur que tu veux rien?". Oui voilà tu gagnes du temps, mais en voyant sa tête tu comprends qu'il faut parler "Avant, il faut reussir à me promettre, que tu ne vas pas à hurler ?". Petits yeux de biche pour lui faire comprendre que tu ne parleras pas tant qu'il ne fait pas cette promesse. Car oui il pouvait te faire peur par moment. Comment tu avais pu ne pas réfléchir ? Comment tu avais pu coucher avec cet homme sans te protéger ? Merde cela arrivait à tous le monde, pas seulement dans les films et les séries de merde. Tu passes une main dans tes cheveux en fuyant le plus possible le regarde de ton frère ainé. Pourquoi tu avais voulu lui annoncer ? Pourquoi tu avais fait cette grosse connerie? Tu ne réfléchissais jamais !

Je n'ai pas pris la peine de me fringuer convenablement. Sweat, capuche sur mes cheveux frisés, et jogging pour couronner mon style décontracté. J'arrive au café, point où Jez m'a demandé de la rejoindre. Je la vois et je m'en approche rapidement. J'aurais pu lui faire peur par derrière, mais je sais pas pourquoi, aujourd'hui j'évite de faire ce genre de choses. À croire que je sens quelque chose venir de sa part pour qu'elle m'ait fait déplacer. Je la salue pas et je prends place, face à elle. J'ai les sourcils froncés tout en la fixant. J'aime pas du tout son visage. Elle répond à ma première question. « Ah ouais d'accord, on est lundi.  » Elle a raison. Tant que ça m'apporte rien, bah je m'en souviens jamais. Bref, assez parlé du jour qu'on est, des choses sérieuses nous attendent. Elle commence à me dire que quelque chose lui est difficile à dire. Je l'invite à travers mes yeux bleus de continuer, que je suis toute ouïe parce que là, ouais, ça m'intéresse. Et elle remet le café sur le plateau, il faut qu'elle me dise au lieu de tourner autour du pot pour gagner du temps car maintenant je veux savoir. « Non, je veux rien. Donc tu veux me dire quoi ? » J'espère qu'elle a rien parce qu'elle est toute ma vie, je me vois pas survivre dans ce monde sans elle. On est comme deux âmes sœurs, comme Bonnie et Clyde. Alors sans mon binôme dans cette vie, bah je pourrai rien faire. Après j'suis pas suicidaire comme un inséparable qui perd sa moitié. Nan, je vais juste tout faire péter s'il lui arrive malheur. Alors là, ça y est, mon esprit s'attend au pire.

Et c'est là qu'elle me demande de lui promettre de ne pas hurler. Elle peut pas me demander ça alors qu'elle connaît mon tempérament quand ça la touche. Nan, impossible de lui promettre ça. Elle le sait bien. Je la fixe dans les yeux. « Me dis pas que t'es enceinte ? » Ouais bon j'ai sorti ça comme ça car c'est ce que dit les protecteurs à leur filleul, non ? J'ai vu ça dans plein de films. Genre le père qui dit à sa fille « J'espère que t'es pas enceinte ! » J'ai copié ça sans me douter qu'en fait, j'ai raison.

Putain, mais t'es vraiment conne comme fille, ce n'était pas possible. Tu aimais reproduire les erreurs de tes géniteurs ? Tu aimais foutre ta vie en l'air ? Pourquoi tu avais couché avec cet homme. Pourquoi il avait fallu que tu te disputes avec Fitz et que tu finisses totalement ivre dans ce bar merdique. Que tu finisses totalement nue dans le lit de l'homme que tu avais dragué toute la nuit. Merde. Tu passas la main dans tes cheveux et regardas pour la première fois depuis son arrivée ton frère dans les yeux. Tu ne pouvais pas le perdre, tu ne pouvais clairement pas vivre sans lui. Dans les bras de qui tu irais à la moindre peur ? Qui passerait délicatement une main dans ton dos alors que les larmes coulent sur ta joue ? Qui ferait peur à tes mecs ? Non, tu ne pouvais imaginer cela. T'appelas le serveur pour commander un grand verre d'eau et un croissant. Oui, tu avais clairement faim et rien avalée depuis maintenant deux jours. Tu reposas enfin ton regard sur ton frère et manquas de t'étouffer. Un sourire traversa ton visage. Pourquoi il avait dit cela ? Pourquoi il avait dit cette phrase. Merde tu étais vraiment dans une merde noire "Comment dire". Tu remercias le serveur et pris le verre d'eau que tu terminas "On va dire que je suis .... Enfin ". Tu n'arrivais pas à terminer une seule phrase. Tu pris une grande inspiration "Merde, tu vas devenir tonton". Voilà la bombe venait d'être lâchée dans ce maudit centre commercial, au milieu de ce maudit café. Doucement, tu baissas les yeux, n'osant plus le regarder. Tu ne savais même plus quoi dire ou quoi faire. Tu avais maintenant peur de ton propre frère, pourtant, tu savais qu'il ne pouvait pas te faire de mal. Mais quand il était en colère, tu commençais vraiment à avoir peur de lui et là, tu savais qu'il allait être dans une colère noire. Tu pouvais le comprendre. Sa petite soeur était enceinte d'un homme qui était encore plus âgé que lui. Bon clairement ce petit passage, tu lui dirais beaucoup plus tard, il fallait déjà qu'il digère la nouvelle. Après, tu lui annonceras que le père à dans trente ans et que tu le croises tous les jours à l'université. Non mais vraiment la vie s'acharnait sur vous deux, la vie voulait voir les Smith malheureux

Bon bah moi, j'attends là, comme un con, qu'elle me réponde. Merde, elle demande un verre d'eau... Mais attendez, elle se fout vraiment de moi là ? Je la regarde, ahuri pendant qu'elle arrive pas à formuler cette putain de réponse. Allez, bordel. « Me dis pas que... j'ai raison ? Mais vas y réponds moi ! » J'insiste, parce que là clairement, je bouillonne. Bah oui, je suis assez impulsif comme gars. Il faut pas venir me chercher car je démarre au quart de tour. Et là, elle atteint le sommet de ma patience, qui n'est pas haute je dois l'avouer. Mais merde, accouche. Vas-y, dis-le moi que j'ai tort. Bordel. Bref, mes pensées font rage, colère qui naît en moi tel un ouragan ravageant ma bonté divine. Mon regard se durcit et hop... Ça y est, la bombe a été lâchée et elle explose direct dans mes mains alors que quoi... ça doit faire une seconde que je réagis déjà. Mon poing fermé, la mâchoire crispée, je me redresse sur ma chaise et approche mon visage du sien. Je la regarde dans les yeux, pour déceler un mensonge car je veux qu'elle me mente. Qu'en fait, elle a honte d'avoir attrapé un herpès par exemple. Mais là non, y a que de la vérité qui découle de ses yeux bleus. Mais non, c'est pas vrai. Dix-sept ans merde... et elle foutait sa vie en l'air. « Non c'est pas vrai. Pas ça, je rêve. Pincez-moi. Je suis en plein cauchemar. Merde quoi, mais non, pas toi, pas nous ! » Bon je m'emporte que mes mots se perdent sous ce flot de colère qui m'a saisi. J'en peux plus car déjà qu'on a dû mal à s'assumer tous les deux, il faudra rajouter un gosse. La vie s'acharne sur nous, c'est pas possible. Je suis là, en mode « Je me calme, je respire ! » Mes doigts se desserrent et puis je me détends. Cette posture je la prends pour me rassurer que c'est pas si grave que ça, qu'elle ira avorter et que je suis prêt à l'accompagner au planning familial. Merde, elle est mineure. « Je vais attraper ce fils de chienne, tu vas voir ! » Oui, en fait, je me suis pas si calmé que ça. Je deviens même vulgaire.

Voilà, tu avais lâché la bombe comme les Américains lâchant la bombe sur la ville d'Hiroshima. Ouais, tu venais de faire exploser ton frère. Tu savais plus quoi dire ne bougeant plus sur ta chaise, si seulement tu pouvais fondre sur celle-ci. Il se leva d'un coup et toi, tu reculas simple réflexe. Oui se réflexe que tu avais quand ton père avait la main trop fort, quand il hurlait beaucoup trop sur toi. Tu te reculais toujours contre le mur pour rentrer dedans, pour espérer qu'il s'ouvre pour te laisser partir. Mais, non le mur ne bougeait pas et tu te prenais une claque. Pour la première fois de ta vie, tu voyais ton père dans les yeux de Jules. Tu chuchotas pour toi même "Tu me fais peur Jules". Oui, tu avais vraiment peur "Je suis désolé, mais c'est lé vérité". Oh oui si seulement cela pouvait être un cauchemar, un putain de cauchemar qui durait trop longtemps. Un putain de cauchemar, mais non ta vie en elle était déjà un cauchemar "Je suis tellement désolé". Il recula enfin. Tu poussas un soupir de soulagement, au moins tu avais maintenant une distance de sécurité "Oui, il faut te calmer Jules, ce n'est pas si grave que cela. Enfin, je veux dire. Merde tu me comprends". Merde, tu ne pouvais pas la fermer. Tu repris un verre d'eau que le serveur déposa avant de partir le plus rapidement possible, sans doute par peur d'énerver encore plus ton frère. Tu bus le verre d'eau d'un coup, besoin de te calmer. Comment dire cela sans l'énerver encore plus ? "Jules". Tu pris sa main dans la tienne "Pour le père s'est plus compliqué que cela pour le moment ! Mais il y est pour rien dans l'histoire". Tu caressas doucement sa main "Je t'aime Jules, c'est toujours toi et moi contre le monde. Toi et moi ensemble". Tu caressais doucement sa main, tout en parlant pour le calmer. Avant cela marchait bien. Tu fis un petit sourire. Il fallait vraiment qu'il se calme. Tu tremblais

Être mon père est la chose qui me terrifie le plus. Pourtant, je réagis comme lui. Suis-je un bon à rien comme ce bâtard ? Non, parce que contrairement à lui, je pensais à Jezabel. C'est la seule qui compte dans ce foutu monde. La seule qui bat mon égoïsme. Les mots de ma sœur me sont douloureux comme la lame d'un couteau qui pénètre ma chair. Ouais je deviens poète même dans cette situation. Je finis par m'asseoir pour remettre une proximité convenable. Putain merde, non... Pourquoi elle me fait ça ? Parce qu'en plus de tout cela, je ressens de la jalousie. Il manque plus que ça. Et 'autre là il ramène un verre d'eau. Il nous écoute ou quoi ? Je soupire, respire, bref petite séance rapide de méditation pour se calmer les nerfs piqués à vif. Je regarde ma sœur qui me rassure que le père de l'enfant y est pour rien. « Mon cul ouais. C'est pas moi qui t'ai rendu enceinte et ni le bon dieu. Alors il est pour quelque chose, d'avoir planté sa graine dans ton putain de vagin. » Calme, respire. Bref, j'essaie de maintenir un self-control mais c'est dur, vous savez. Quand votre petite sœur vous apprend qu'elle est enceinte alors qu'elle a même pas dix-huit ans, bah vous réagirez comment ? En tout cas, j'vais pas cautionner ça en la félicitant. J'suis perdu un instant dans mes pensées pour élaborer un plan pour retrouver cet enfoiré. Elle me prend la main ce qui me fait tressaillir. Putain Jez, il faut pas faire ça quand j'suis comme ça, je suis à la limite de faire un geste brusque. Mais bon, je le fais pas. Ma deuxième main vient se poser sur sa main et cette fois, je m'approche tout en restant assis. J'ai un peu le regard brouillé. J'sais pas si c'est la cause aux émotions ou juste une poussière dans les yeux. « Abrutie, je t'aime et t'aimerai toujours quoiqu'il arrive. » Oh my god, j'ai réussi à prendre une voix calme, c'est un bon début. Sinon c'est une certitude, je la laisserai jamais tomber. Même si j'suis en colère, c'est pas pour autant que je vais la foutre sur le palier avec ses affaires. Elle est tout pour moi cette fille, alors je peux pas faire ça. « Qu'est-ce que tu comptes faire ? » Parce que oui, cette question me taraude depuis l'annonce.