Ilse Aliegheri JE SUIS À SINGAPOUR
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| Sujet: Re: DEBOIRES ET ENTRETIENS Mer 13 Juin - 21:30 | |
| Toujours cette culpabilité de vivre, d’utiliser un peu du monde peuplé de bouches criant pourtant famine ; toujours cette impression de marcher sur le fil, de n’avoir pas sa place là. C’est épuisant que de toujours chercher à bien faire, elle cherche, elle essaie de bien faire, tout en étant consciente qu’elle marche sur ce fil et que la chute l’appelle des deux côtés. Des deux côtés. Ses bras ne peuvent plus être là pour la retenir, la rattraper, Ilse le sait, ce serait se mentir que croire que deux pauvres minutes d’une proximité retrouvée pourraient permettre d’écrire une autre histoire. Surtout que ni l’un ni l’autre ne sont au clair, et rien de bon ne vient jamais du brouillard – fichues minutes, deux et pas plus, une et une, deux comme leurs corps séparés. Fichues minutes qui ne ramènent toujours, encore qu’à cette abîme, ne pas savoir quoi faire, fichu besoin de faire bien, fichue culpabilité vampirique. Il faut faire les choses bien, mais Ilse comprend très vite qu’elle a échoué. C’était stupide – qu’a-t-elle donc dit ? La porte fait du bruit dans son dos, et sans doute que son cœur se stoppe un bref instant, autrement elle aurait eu l’énergie pour réagir plus vite. Une impression terrible de creux, de perte occupe l’espace devant le mur, c’est son fantôme qu’elle a derrière, il n’est plus là. Elle a fait n’importe quoi. Ilse se relève, n’hésite pas vraiment mais se sent faible, une dent plantée fermement dans sa lèvre inférieure elle va vers le seuil de la pièce – bon sang mais qu’ont-ils fait. Si Adan est parti, comme cela, sans un mot, c’est que rien n’est réglé, c’est que c’est peut-être encore pire à présent. « A… Adan ? » Son prénom meurt en s’extirpant avec peine de sa gorge ; mais le couloir est vide, nul n’est là pour l’entendre, de toute manière. Qu’aurait-elle dit de plus, qu’aurait-elle fait ? Il ne faudrait jamais penser en usant du conditionnel, ça ronge après et ça dévore l’énergie. Ilse est là, à la porte, bras ballants, et son démon lui assène : ça t’apprendra. Il aurait mieux valut qu’elle s’en tienne au silence, c’est sans doute la seule chose qu’elle fait parfaitement bien. | |
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