did you get it at a joke store?? (bexlene)

Il n’y a que Rebecca Parker pour fixer le GAME OVER au dessus de sa tête sans ciller, elle a un étrange bâton à la main, et si elle aimerait que ce soit une de ces baguettes magiques désenchantées, il n’en est rien. Elle a traversé la cour commune, balayant les pensées qui vont avec l’état de son corps à ce moment précis, un mélange de bordel et de d’ordre qui va bien avec le personnage, elle se rappelle qu’en toute logique ce sont des choses « qui arrivent », que y a une explication logique, pourtant à envoyer des lasers avec ses yeux, elle fait plus peur qu’autre chose.



Faut dire que Beck a porté depuis le collège une coupe à la Mulan comme un signe de rébellion, même si elle était pas fan de ce mot, et que c’était sûrement pas son intention. Mais bon on fait beaucoup de trucs sans en avoir l’intention en premier, lieu, comme se couper le pouce en essayant d’éplucher des pommes de terre, tomber amoureux alors qu’on voulait juste faire valider son ticket de cinéma avec le responsable de l’après-midi et qu’il ressemblait à un mélange entre Colin Firth et Hugh Jackman, tomber enceinte alors que le but était de faire l’amour avec Oxlene Park, ouais, c’est clair, parfois il s’agissait d’un simple concours de circonstances.

Elle a pas compté le nombre de coups portés à la porte du dortoir de Park et Romáo, à dire vrai à partir d’un certain point, Beck essayait de garder un minimum de contenance au niveau de son expression, histoire de bien exposer la situation. « Ouais, salut, j’sais tu t’souviens pas trop d’moi mais on a couché ensemble y a genre trois semaines et c’est fort possible que j’sois enceinte du coup voilà. Ah et j’m’appelle Rebecca. Rebecca Parker. »

Le sexe, c’était pas un concept que tu maîtrisais, c’est sûre. Ta première fois, tu t’en souvenais absolument pas. C’était pas un truc qui t’avait marqué. Probablement deux coups de reins entre les cuisses d’une nana allongée sur un lit couvert de manteaux, à une soirée de lycéen. Deux trois baisers arrosés de vodka, des vêtements froissées qui puent la weed. Un souvenir flou d’un noeud de capote. La musique qui résonne comme un écho dans ta tête. Ouais, si tu devais reconstituer ta première fois, t’étais presque que sûre qu’elle ressemblait à ça. Avec le temps, rien n’a changé. Toujours à te faire aborder une fois tous les trente-six du mois par une fille qui a envie de toi. C’était rare qu’elles aillent jusqu’au bout, c’était rare qu’elles voient au delà du pauvre gars à l’ouest. Le pire, dans tout ça, c’est que les rares fois où t’arrivais à sentir la chaleur d’un autre corps, tes souvenirs n’étaient jamais très nets. C’était toujours des bribes, des sensations, des impressions qui revenaient. Les visages étaient flous, les noms s’emmêlaient, certains détails te restaient en mémoire. Parfois, ça faisait travailler ton cerveau longtemps, parfois non. Journée tranquille, t’avais dévalisé la pharmacie pour des bonbons pour la gorge. Ta grand mère disait qu’une toux qui persiste était signe de mauvais présage mais fallait dire que ta grand mère voyait des mauvais présages partout. La pastille avait le goût de myrtille, elle fondait contre ton palais et le plafond semblait bien trop loin. L'élastique que Sun a laissé te sert d’occupation, tu tires au dessus de ta tête en espérant atteindre le plâtre au dessus de ta tête. Au bout d’un moment, tu te tournes même vers @Maxence Romáo qui est allongé sur la banquette en face. Tu te munis de ton fusil imaginaire et, tel un brave militaire sur le champ de bataille, tu tires sur ton ami en gloussant. Rire d’enfant interrompu par le bruit de la porte. Tu t’lèves, et là, t’as cette nana, en face, qui te balance tous ces mots dans la gueule. Tu comprends pas, tu regardes son visage. Trop de trucs d’un coup, ton cerveau bug. Les jolies filles, elles s’intéressent pas à toi, alors tu crois à une blague, à une erreur. “Hein ? Euh. Tu veux peut être dire ça à Max ?”. Que tu dis, d’abord. Mais ensuite, elle se présente et son prénom, il te fait réfléchir. Rebecca. Rebecca. Des lèvres pulpeuses. Des yeux en amandes. Oh. Rebecca. Second bug. “Oh, attends. Rebecca ? Rebecca …”. Tes yeux descendent le long de sa nuque, caresse la naissance de son buste. Tilt. “Talia Al Ghul. C’est marrant, ça. Tu compte l’appeler Damian si c’est un garçon ?”. Ox, t’es sûre d’avoir compris ce qu’elle vient de te dire ? Ox, t’es con ou tu le fais exprès ? En même temps, Bruce Wayne, il a bien eut un fils. Dommage que ce Robin soit mort, pas vrai, Ox ? Arrêtes tes conneries, sérieux.

Y a eu un moment de confusion, elle a senti son organisme se dérober dans un cortège catastrophique, tout menaçait de se désactiver dans les secondes à venir, Rebecca écartait les mains depuis l’intérieur de ses poches, tentait de transformer sa veste en bouclier. « Ox, laisse-moi entrer. » Elle était au courant qu’il fallait pas le bousculer, elle aurait pas dû le précipiter avec elle dans le manège à sensation du parc d’attraction de sa vie, elle se disait que c’était pas trop grave, que y avait des gens assez tordus pour envoyer ça part SMS et faire un sondage avec trois options. 



On le garde
On le donne
On le jette, comme un vieux carton dans un grenier. Le système redémarre et Beck bat des cils, une enfant apeurée, elle a les joues rouges et le cou froid à force d’avoir serré la mâchoire toute la soirée sans dire un mot jusqu’à ce que finalement même le soleil dans le ciel abandonne et se rende pour que son amante vienne tout faire foirer et la persuader que le lendemain matin, ça irait mieux. La nuit porte conseil mon cul ouais. Y avait Maxence au fond, Maxence elle le connaissait de loin parce qu’il avait tendance à coller aux basques d’Oxlene Bae Park et ça Rebecca l’avait remarqué dès la première minute où elle avait trouvé son quart-d’heure d’indécence et étrangement d’ordinaire. L’un n’allait pas sans l’autre, sorte de paire maudite dans un pack en réduction au supermarché qu’on se tâte à acheter pour finalement le jeter dans le caddie.



Il restait, stationnait là, elle savait pas qui d’eux trois était le plus flippé, elle cherchait pas à savoir, elle les poussait tous les deux pour entrer, perturber la gravité avec ses converses. « Bon écoute, j’veux pas te- vous faire peur mais voilà, j’sais que t’as du mal à te souvenir tout ça- J’vais la faire courte, on avait décidé de tourner sans le clignotant ce jour-là. J'ai fait un test hier, pas un DST ok, un test de grossesse. Il était positif. Il est toujours positif hein ça a pas changé dans la nuit c'est pas un tamagotchi »

T’as jamais pensé à tes futurs gosses. Tu te voies pas avec quelqu’un dans ta vie, de toutes les façons. Ta vie, c’était ta soeur. Ta vie, c’était ta league. Ta vie, c’était la contemplation du monde.Et là, Becc, elle arrive avec son ventre dégonflé, sa voix rassurante et ses annonces qui te chamboulent le cerveau. Tu voies bien qu’elle plaisante pas. Alors comme ça, t’as couché avec un canon pareil ? Ox, faut vraiment que t’arrêtes la drogue, tu passes à côté de ces trucs. Tu la laisses entrer tu t’poses sur ton lit pour la laisser s’expliquer mais tes oreilles bourdonnent. Tu t’étais jamais vu Papa. Puis, avec le père que t’avais, t’avais pas du tout envie que tes gosses se sentent aussi minables. T’avais pas envie que tes gosses soient aussi paumés. T’avais pas envie que tes gosses te ressemblent. Et toi, t’avais pas envie de ressembler à ton daron. Le père coréen typique, froid, distant, qui n’exprime pas ses sentiments, sauf quand il s’agit de critiquer ses enfants sur leurs erreurs. Puis, Papa Park, il avait déjà un plan pour toi. Simple. Tu te maries avec la fille de ses potes, tu lui fais deux gosses, un garçon d’abord, une fille ensuite puis tu arrêtes tes études de pacotille pour faire pharma et reprendre sa boutique. D’après lui, avec l’âge, t’arrêteras de jouer au con qui se souvient pas des prénoms des gens, tu sauras tenir une conversation normale avec les autres et tu apprendras les mêmes choses à tes enfants. La mère de tes gosses, ça devait pas être une “japonaise de bas étage” comme pourrait dire ton père de Rebecca mais une “vraie coréenne de bonne famille”. Les paroles de Becc se bousculent dans ton crâne, t’as déjà l’image de Nyla qui panique à ta place, puis le regard de Papa Park qui te donne envie de passer en mode Dark Ox. Tu soupires, t’as le front qui chauffe. “Ok.”. C’est tout ce que t’arrives à dire pour le moment. Puis, tu t’mets à fixer Parker, et ton imagination part en cacahuète. T’as jamais compris les gars qui partaient en couille quand ils géraient pas l’annonce de grossesse. C’était pas eux qui allaient devoir subir toutes les conséquences de cette nouvelle. Du coup, t’as un goût amer dans la bouche. T’avais juré à Sun que tu te protégeais, t’as pas assuré. Et le pire, c’est que tu t’en souviens même pas. Du coup, tu t’lèves, tu lances un regard à Max, de type conversation télépathique, avant qu’il se casse discrètement. Ta main vient prendre celle de Becc, doucement, pas pour te la jouer mais juste pour lui montrer que t’es là, que t’es concentré sur elle, sur cette situation. “Tu veux qu’on aille à l’hosto’ pour voir un peu ce que t’as dans le ventre ?”. Tu la regardes avec tes yeux innocents, tu restes silencieux un instant. “Désolé de te mettre dans cette situation, Rebecca. Mais t’inquiète pas, je vais pas partir.”. Quand tu dit “partir”, tu veux dire que tu vas pas te réfugier dans ta tête, t’as du respect pour les meufs, et Becc, même si tu te souviens pas toujours d’elle, elle a eut la patience de t’expliquer les choses et ça, c’est important pour toi.

La plupart des gamins s’mettent à rigoler à gorge déployée quand le professeur enfile la capote sur la banane bien mûre, mais Rebecca elle s’était enfoncée dans son siège, en se questionnant sur le cours d’éducation sexuelle et si c’était bien de ça qu’ils fallait parler aux gamins. Partir du principe qu’enfiler un bout de latex ferait armure c’était un peu débile, Jeanne d’Arc pendant toute sa quête elle a porté de la maille pour autant ça l’a pas empêchée de cramer sur le bûcher.
Elle s’est pas précipitée la première fois, y a vu qu’un mélange de visages et de jambes aléatoire dont la logique lui échappait, elle appréciait l’effet anesthésique, la tête complètement vide, mais la peau rouge d’avoir existé, un paradoxe tiède, comme ses mains, entre celles d’Oxlene.
« Tu fais quoi là? » Elle jette un oeil à Maxence mais il s’est dégoupillé, vieille grenade dysfonctionnelle il les a laissés. Lui et elle. L’idiot et l’idiote.

Ses mèches de jais encadrent sa tête, elle se planque dans les poches de sa veste, c’est pas un remède en soi, elle aime pas le ton de sa voix, elle a l’impression qu’il a pour mission de l’empêcher de lancer la phase d’auto-destruction, quoique ses yeux se dérobent, elle revient au rouge quand même. « Désolée. J’ai pas trop l’habitude. »

L’habitude de quoi? Des gentillesses peut-être? Rebecca et Oxlene les seules fois où ils s’étaient attrapés c’était pas la taille et la bouche, et ensuite le désordre les a suivis et a envoyé valdinguer à peu près tous les centres de gravité relationnels, elle sait que y a eu des échanges, des trucs banals, des questions, murmurées, chuchotées qui restent dans le creux de la nuque quelques jours. Il a un prénom, une espèce de nature douce et bizarre, une fois il a regardé un tuto make-up pendant qu’elle était à genoux devant lui. Ouais, ils avaient pas les profils clés pour avoir un gosse, ni elle, ni lui. Beck elle se précipitait, elle préférait se précipiter, on sent moins venir le contre-coup, du moins c’est ce qu’elle dit, les autres jours. Pourtant elle lui donne un silence communicatif avant de répondre. « C’est rien. Si tu veux tu peux venir, mais t’es pas obligé, j’voulais te le dire c’est tout, c’est pas très cool de faire la morte tu comprends, mais si tu veux pas, tu viens pas, j’allais partir là. »

Ta connaissance sur le sexe, elle vient pas des cours de science. T’étais pas assez concentré au lycée pour comprendre comment on enfilait une capote sur une aubergine. T’entendais à peine les rires graveleux de tes potes qui te couvraient de coups de coudes. Baiser, c’était pas dans tes projets. Alors t’avais pas à te renseigner là-dessus. C’était pas avec Nyla que t’allais aborder ce genre de sujet, c’était pas à elle de t’apprendre ce genre de truc, pour sûre. Max n’était plus là pour répondre à ces question que tu ne te posais pas. Y’avait eut qu’elle, la Sun de secours, la soeur qui allait devenir ta femme dans un futur alternatif. Elle t’avait montré comment glisser le film en latex sur une courgette, elle avait insisté, elle avait dit que c’était important, elle avait dit que sans ça, tu risquais d’avoir des problèmes et que vous saviez tous les deux que tu saurais pas gérer. Ses instructions, elles te sont restées en tête comme un générique de dessin animé qui a mal vieillit et aujourd’hui, les paroles ressemblent juste à de la friture sur la ligne. Becc, elle fuit ton contact, elle te regarde une fois sur deux, ça te fait bizarre parce qu’en général, c’est toi qu’on fixe l’air curieux. Mais t’es pas vexé, tu fourres tes mains dans tes poches sans répondre. Finalement, elle s’excuse, tu comprends. T’es pas très tactile, d’habitude. Mais là, t’as sentit que t’avais besoin de le faire. Depuis quand t’as le sens du timing ? Tu l’as jamais eut, t’as une preuve de plus. Mais là, t’avais une chance de rattraper tes actes manqués, alors fais pas le con pour une fois. Alors qu’elle te sort un speach que t’écoutes à moitié, t’enfiles tes baskets, tu prends ton portable avec toi et t’ouvre grand la porte. Tes yeux se reposent sur Rebecca, t’as l’air plus concentré que d’habitude, ça ferait presque flippé. “Tu viens ?”. Pas de batskate pour cette mission, pas de masque, pas d’armure avec les tétons apparents, juste ton courage et ton attention qui est si difficile à avoir. Tu gardes les mains chez toi, tu fermes la porte quand elle s’enfuit et vos pieds marchent comme des grands jusqu’à l’hôpital. Ce chemin, tu le connaissais par coeur, même si t’avais dut le faire qu’une fois, deux, trois maxi. T’aimais pas cette atmosphère, t’aimais pas cet endroit, tu t’sentais toujours tendu quand tu venais ici. T’avais besoin qu’on te prenne la main, t’avais besoin qu’on te rassure mais aujourd’hui, c’était toi l’adulte. C’était toi qui devait rassurer l’autre, faire attention à ses réactions. Les couloirs blancs, les gens en uniformes colorés, des espèces de pyjamas qui avaient l’air vachement confortables. Ton père, il aurait voulu te voir de l’autre côté de la ligne, avec la blouse blanche et les petits stylos dans la poche de la chemise. T’façon, t’aimais pas les chemises, ça t’allait pas, c’était pas confortable, puis y’avait pas de motifs de batman dessus. Aucun intérêt.

Personne pour lui enfiler d’armure, personne pour lui mettre un heaume sur les yeux, lui dire: Regarde droit devant, maintenant, fonce! Elle aimerait que quelqu’un défonce la porte à ce moment précis, amène une solution miracle comme les gars bizarres avec des chemises repassées dans les pubs qui te disent avoir trouvé un remède au tue-l’amour le plus universel. Oxlene il a décidé qu’il avait pas le temps de s’occuper du dragon aujourd’hui, il s’est contenté de le séquestrer dans les dortoirs et Rebecca, elle est allée attraper l’air de dehors à grandes bouffées comme si ça avait été de la nicotine. - Une clope, deux clopes, trois clopes, mais des Camel parce que sinon ça a aucun intérêt. -

Elle le suit, ouais comme les canetons qui traversent la route, en train de redouter l’accident sauf que l’accident est déjà arrivé, aller d’une rue à l’autre ça lui fait compter davantage de clopes-oxygène, elle poursuit, mais dans sa tête, et jusque là il y a une démarcation évidente, le bleu du ciel, le gris du sol, et elle. Et lui. Pour passer les portes Rebecca elle tourne la tête vers la rue et elle fixe les bagnoles stationnées, le vieux avec son chariot et son urine en pack, les gamines attachées aux mains de leur mère comme si c’était des sacs, et le reste, le calme indécent, le silence automatique qui veut dire; vas-y.

Rebecca elle discute à l’accueil, c’est comme parler avec une vieille copine qui vous redirige vers une infirmière, et l’infirmière vous fait le test rapide avec le changement de couleur, mais ça change pas vraiment de couleur, c’est là que Rebecca commence à entendre les mots qui sortent des bouches, à moins hocher de la tête, on lui fait quelques remarques on lui dit que ça arrive que c’est pas fiable à cent pour cent et puis, la gynécologue prend la place de l’infirmière, elle commence à beaucoup utiliser ses mains pour parler c’est vrai. Mais faut pas paniquer, c’est dans leur nature de faire passer un rhume pour la mort du grand père paternel. Y a que une fois devant sa consolation hebdomadaire, son bout de soleil factice qu’elle a l’air de se réveiller, Becca. « J’suis pas enceinte. »

Il a les traits les plus calmes qu’elle ait jamais vu, une sorte de trouble humain à lui tout seul, c’est peut-être les couleurs de son visage qui l’apaisent, elle sait pas, elle est pas sûre. « C’est cool. »

Y’avait une espèce de corde invisible qui capturait ton cou, qui te faisait mal, comme si t’avais donné un coup d’pied dans le tabouret. Les bruits des mocassins qui claquent contre le carrelage, les pleurs de la dame qui vient d’apprendre la mort de son mari, la colère du monsieur qui n’a toujours pas de nouvelles de son fils inconscient, la peur de cette gamine avec son bras tordu. Tu détestais l’hôpital. Rebecca, elle avait disparu derrière cette grande porte depuis trop longtemps, elle t’avait dit d’attendre, tu pouvais rien faire, t’en avais déjà trop fait. Mais Becc, elle pouvait pas supporter ça toute seule, tu te sentais comme le gosse qu’on éloignait parce qu’il est trop faible face à la menace. T’aurais aimé que Max soit là. T’aurais aimé qu’il t’épaule, qu’il te rassure, qu’il te fasse rire, mais c’était un boulot que tu devais accomplir en solo. Alors tu restais là, par terre, dans le couloir vide, les infirmières te dévisageaient en roulant du cul. Parfois, tu t’imaginais, en fille. T’oublierais de prendre la pillule, tu tomberais enceinte du premier bouffon forceur en soirée et tu finirais ta vie mère au foyer, à foirer ton repassage parce que t’as laissé le fer trop longtemps sur la chemise de ton mari. Tu voulais pas de cette vie pour Rebecca, pour toi. Les meufs comme Rebecca, elles méritaient des gars biens, des gars beaux et charismatiques avec qui elle arrêterait pas de se tourner autour parce que le désir, c’est mieux quand ça monte doucement, qu’on se retient et que ça explose sans qu’on puisse rien contrôler. Ox, t’arrivais pas à voir Becc avec un gars comme toi. Personne. A la limite, tu serais ce mec toutou, cette mascotte qu’on invite au mariage par pitié, le gars qu’on regarde en se demandant comment il va s’en sortir dans la vraie vie. Puis d’un coup, au milieu des nuages gris, au milieu de ta voix intérieur qui te rabaisse, encore et encore, Rebecca arrive comme une brise glacée. Tu t’lèves, tu la regardes dans les yeux. “J’sais pas si c’est cool mais au moins, je gacherais pas ta vie ou celle d’un gosse.”. Tu lâches un peu sans faire exprès. Ox, faut que t’arrêtes de te sous-estimer comme ça, faut que t’arrêtes d’écouter la voix de ton daron qui te critique sans jamais voir tes qualités. Tu passes une main dans tes cheveux, t’es soulagé mais t’as un arrière goût désagréable dans la bouche. Rebecca, elle a pas l’air aussi joyeuse que ça. “Rebecca, ça va ? Euh, j’suis peut être pas le mec le plus attentif du monde mais si tu veux discuter, on peut. J’veux dire, je suis là, quoi.”. Tu sais pas si tu dis les choses correctement mais Ox, t’as raison de les dire, c’est le plus important.

Discussions de couloirs, vie tourmentée de l'hôpital cependant inévitable, part d’humain dans le dédale des paniques, des urgences, elle est au milieu de l’action, au milieu des palpitations, il est comme du coton, trop doux, trop subtil, il lui dit les bonnes choses et elle n’aime pas ça du tout Rebecca, ça confirme de plus en plus le scénario catastrophe, la flopée de tests qui s’ensuivront, les appréhensions de la japonaise s’entassant les unes sur les autres sur une pile de faux espoirs, de tentatives de ne pas vraiment y penser. C’est l’aspect aseptisé de l’établissement qui l’oppresse, Rebecca, elle serre ses mains ensemble, les tord, les bords rougissent à la manière de ses joues. « Dis pas ça Ox », lui échappe dans un murmure, elle a pas le droit de le dire vraiment, ce serait cruel de l’associer à ce moment particulier de sa vie où on va l’analyser sous tous les angles pour s’assurer qu’elle fonctionne bien, elle imagine la lumière dans ses yeux l’éblouir, eux qui ne veulent pas la laisser partir sans le verdict. Et si on s’obstine à avoir horreur des verdicts; au fond de quoi avons nous peur si ce n’est des conséquences?

Quels projectiles de balles roulent sur le sol et quels autres percent les corps des hommes? « Je crois que j’ai flippé quand même, j’prenais pas ça au sérieux et tu vois, en fait c’était vraiment une grosse connerie ce qu’on a fait. Et c’est juste ça, qui va pas trop? »
Oxlene garçon bien, quelques fois, trop occupé à tracer des constellations pour exister mais pas moins la personne décente qui traçait ses lignes dans la vie de Rebecca. Parfois les yeux se tournaient vers lui pendant qu’ils traversaient les services de l’hôpital. Oui, il y avait plusieurs sorties,  mais sans trop se l’expliquer, Rebecca voulait faire le grand tour, c’était comme une prise d’oxygène obligatoire et à peine vivable, elle trouvait ses mots mais les perdait vite aussi et elle n’était pas bien certaine de vouloir faire cette révélation au Goddard. « T'as sans doute des gens que t'aimes et franchement ça me ferait du mal si tu te ramenais pour leur dire; eh j'ai mis une fille enceinte, ça va et toi? »

Tout le monde, au moins une fois dans sa vie, n’arrive pas à se regarder dans le miroir. Même toi. Y’avait même des moments où tu te détestais un peu trop. Tu regardais le reflet de ce gars sans ambitions, de ce paumé de la vie, de ce branleur et t’avais juste envie de t’arracher les yeux. Y’avait des moments où tu te détestais tellement que ta propre existence t’était insupportable. Pourtant, tu comprenais pas forcément comment, ni pourquoi t’étais dans cet état. Ca venait comme ça, sans que tu t’y attendes, le matin en te réveillant pour aller en cours. Ca te prenait quand tu regardais Nyla sourire avec toutes ses dents devant tes bêtises. Ça t’embrouillait le cerveau, ça te rendait triste, ça te mettait en colère, tu comprenais pas tes propres sentiments, alors comment voulais-tu aider qui que ce soit ? Tu jouais les gars biens, tu jouais les gars qui s’en voulaient, tu te voiles la face, Ox. T’es rien. Tu t’en fous de tout. Et parfois, cette désinvolture, ça te fait peur. Pourquoi t’arrives pas à ressentir l’inquiétude, l’amour avec une fille comme Rebecca ? Alors tu t’mets à rire. Ce petit ricanement amer, celui qui te pompe le peu de souffle qu’il te reste, celui qui pourrait t’enlever ton dernier soupire. “T’inquiète pas pour ça. Ça étonnerait personne que je mette une nana en cloque sans m’en rendre compte.”. Ton père ferait même ce truc, ce soupire contrarié mais pas surpris, ce regard déçu qu’il portait constamment sur toi. Ta mère flipperait, elle chercherait à prendre soin de Rebecca et de l’enfant. Nyla péterait un câble mais vu que la mère de ton gosse est sa pote, ça la perturberait peut être un peu trop. Tu savais pas trop comment réagiraient Billy et Max, mais t’imagines qu’ils seraient là pour toi, comme d’habitude. Rapide fouille dans les poches, tu sors le joint que Max t’a fait juste avant. Si ça venait de ton superman, ça t’aiderait forcément à tenir le coup. Tu lâches un soupire alors que la brume magique vient déjà remplir tes poumons. “Haut les coeurs, on aura pas à annoncer quoi que ce soit à nos parents, hum ?”. Tu souffles un peu sur ton pétard, t’as le regard qui se balade sur l’épaule de Parker. T’aurais voulu lui montrer que t’étais là pour elle, mais franchement, plus t’y pensais, plus tu te disais que tu ferais qu’aggraver les choses. Elle a pas besoin de toi comme potes, elle a pas besoin de toi tout court. Alors tu lui fais un sourire avant de disparaître. Y’avait que l’odeur de la weed qui marquait ton chemin. Pour changer.