ton cours vers d'autres nébuleuses (millie)

Un peu d'alcool fait battre plus rapidement le pouls là où on peut le sentir, dans le creux des poignets, contre la gorge, à moins que le verre qu'elle a bu n'y soit pour rien et que si son sang est aussi excité en ce début de soirée, c'est seulement dû à quelque chose dans l'air. Ilse n'aurait jamais cru que l'oxygène puisse avoir une saveur différente quand on l'inspire à pleins poumons en fonction de l'endroit du globe où l'on se trouve, mais c'est le cas : l'air à Singapour n'est pas le même qu'à Providence et il n'y a pas que lui, tout lui semble plus grand, plus coloré et plus vivant, et elle a l'impression aussi de renaître.
C'est pour cela qu'elle se tourne vers Millie tout en continuant d'avancer de son pas si léger, avec comme une constellation dans chaque œil, un sourire sur les lèvres et un rire dans la gorge, retenu, à peine, prêt à s'enfuir sans raison apparente.
« C'est encore mieux que tout ce que j'avais imaginé ! » Singapour. Le nom lui évoquait quelques images mais Ilse a été éduquée au septième art et au journal télévisé, à la version papier que lit toujours sa mère et à deux-trois bouquins, pas aux billets d'avion, ni même de train. Les voyages la ravissent, la transportent, l'émerveillent : le monde entier ne tenait pas entre les seuls murs de sa chambre d'enfant.
« Il faut qu'on fasse un truc ce soir, un truc spécial pour marquer le coup. Qu'est-ce que tu en dis ? »
Sa tête est en ébullition même si elle n'a pas la moindre idée nette de ce qui pourrait devenir un souvenir inoubliable, l'emblème et le symbole du premier soir à Singapour ; que n'auraient-elles jamais fait et qui serait vraiment, vraiment spécial ? Elle compte un peu sur Millie pour mettre le doigt dessus, de toute façon, elle pourrait faire n'importe quoi ce soir, elle est légère et est en vie.